jeudi 27 septembre 2012

Sanctuaire d’Asie


J’abriterai dans mon sanctuaire d’Asie
Mon éternel besoin d’ombre et de poésie.
Là-bas, guettant les mille et trois Dieux aux pieds d’or,
Des prêtres, jour et nuit, veillent sur leur trésor.
Oui, désespérément, je fixe mon exode
Vers ce refuge énorme et sombre de pagode,
Où, dressant vers le ciel les lotus léthéens,
Les étangs dorment leurs sommeils paludéens.

Renée Vivien 
















mardi 28 août 2012

L’adoration du corps féminin et de ses voluptés infinies

(…)

L’éclair des astres vient dorer
Le gris pervers de ta prunelle.
Ah ! comment ne point t’adorer
D’être perfide et d’être belle ?

Renée Vivien dans "Telle que Viviane"




(...)

Nous adorons avec des candeurs infinies,  
En l'émerveillement d'un enfant étonné  
À qui l'or éternel des mondes fut donné...  
Sapho revit, par la vertu des harmonies.


Renée Vivien dans "Sapho revit"







J'adore la langueur de ta lèvre charnelle

Où persiste le pli des baisers d'autrefois,
Ta démarche ensorcelle,
Et la perversité calme de ta prunelle
A pris au ciel du nord ses bleus traîtres et froids.






(...)

J'obtins d'elle le doux mépris de ce qui presse,  
Le regard détourné, la sainte horreur du bruit...  
Etant comblée ainsi, j'adore ma Déesse  
Inconnaissable et noire et parfaite, la Nuit.

Renée Vivien dans "Fille de la Nuit"







(...)

Enfin, de t'adorer  
je confesse le crime;  
si tu veux me punir,  
cette punition même sera récompense.

Sor Juana Inés de la Cruz

mardi 12 juin 2012

Bacchante triste


Le jour ne perce plus de flèches arrogantes
Les bois émerveillés de la beauté des nuits,
Et c'est l'heure troublée où dansent les Bacchantes
Parmi l'accablement des rythmes alanguis.

Leurs cheveux emmêlés pleurent le sang des vignes,
Leurs pieds vifs sont légers comme l'aile des vents,
Et le rose des chairs, la souplesse des lignes,
Ont peuplé la forêt de sourires mouvants.

La plus jeune a des chants qui rappellent le râle :
Sa gorge d'amoureuse est lourde de sanglots.
Elle n'est point pareille aux autres, - elle est pâle ;
Son front à l'amertume et l'orage des flots.

Le vin où le soleil des vendanges persiste
Ne lui ramène plus le généreux oubli ;
Elle est ivre à demi, mais son ivresse est triste,
Et les feuillages noirs ceignent son front pâli.

Tout en elle est lassé des fausses allégresses.
Et le pressentiment des froids et durs matins
Vient corrompre la flamme et le miel des caresses.
Elle songe, parmi les roses des festins.

Celle-là se souvient des baisers qu'on oublie...
Elle n'apprendra pas le désir sans douleurs,
Celle qui voit toujours avec mélancolie
Au fond des soirs d'orgie agoniser les fleurs.

Renée Vivien dans "Études et Préludes"