SCUM Manifesto - Valérie Solanas - Deuxième partie
Bien qu'il ne soit qu'un corps, l'homme n'est même pas doué pour la
fonction d'étalon. À supposer qu'il possède une compétence pure-
ment technique – bien rare en vérité – on ne peut déceler aucune
sensualité, aucun humour dans sa façon de s'envoyer en l'air.
Quand ça lui arrive, il culpabilise, il est dévoré de honte, de peur et
d'angoisse (sentiments qui ont leurs racines profondément ancrées
dans la nature du mâle, et même l'éducation la plus éclairée ne
peut en venir tout à fait à bout). Ensuite, la jouissance qu'il en tire
est proche du néant. Et pour finir, obsédé qu'il est par son désir de
bien s'en sortir, de battre un record, de ramoner consciencieusement,
il se soucie peu d'être en harmonie avec sa partenaire. C'est
encore trop le flatter que de le comparer à un animal. Il n'est qu'une
mécanique, un godemiché ambulant. On prétend souvent que les
hommes utilisent les femmes. Les utilisent à quoi ? En tout cas, sûrement
pas au plaisir.
Rongé qu'il est de culpabilité, de honte, de peurs et d'angoisses, et
malgré la vague sensation décrochée au bout de ses efforts, son
idée fixe est toujours : baiser, baiser. Il n'hésitera ni à nager dans
un océan de merde ni à s'enfoncer dans des kilomètres de vomi, s'il
a le moindre espoir de trouver sur l'autre rive un con bien chaud. Il
baisera n'importe quelle vieille sorcière édentée, n'importe quelle
femme même s'il la méprise, et il ira jusqu'à payer pour ça. Et pourquoi
toute cette agitation ? Si c'était pour soulager une tension physique,
il lui suffirait de se masturber, et puis s'il va jusqu'à violer des
cadavres et des bébés, ce n'est sûrement pas pour combler son
ego. Alors pourquoi ? Complètement égocentrique, incapable de
communiquer et de s'identifier aux autres (voir plus haut), n'existant
que par une sexualité endémique et diffuse, le mâle est psychiquement
passif. Et parce que sa propre passivité lui fait horreur, il tente
de s'en débarrasser en la projetant sur les femmes. Il postule que
l'homme est Actif, et s'attache ensuite à démontrer qu'il est actif,
donc qu'il est un Homme. Et pour ce faire, il baise ! (Moi je suis un
Vrai Mec et j'ai une Grosse Queue et comment que je Tire mon
Coup). Mais comme ce qu'il cherche à démontrer est faux, il est
obligé de toujours recommencer. Alors baiser devient un besoin irrépressible,
une tentative désespérée de prouver qu'il n'est pas
passif, qu'il n'est pas une femme. Mais en fait il est passif, et son
désir profond est d'être une femme. Femelle incomplète, le mâle
passe sa vie à chercher ce qui lui manque, à tenter de devenir une
femme. Voilà pourquoi il est constamment à l'affût des femmes, voilà
pourquoi il fraternise ; il veut vivre à travers elles, se fondre en
elles. Voilà pourquoi il revendique tout ce qui caractérise en fait les
femmes, la force de caractère et l'indépendance affective, l'énergie,
le dynamisme, l'esprit d'initiative, l'aisance, l'objectivité, l'assurance
le courage, l'intégrité, la vitalité, l'intensité, la profondeur, le sens de
la rigolade, etc. Voilà pourquoi il projette sur les femmes tout ce qui
caractérise les hommes, la vanité, la frivolité, la banalité, la faiblesse,
etc. (Il faut cependant reconnaître qu'il existe un domaine
dans lequel les hommes sont largement supérieurs aux femmes :
celui des relations publiques. C'est de cette façon qu'ils réussissent
à faire croire à des millions de femmes qu'elles sont des hommes et
vice versa). Les hommes prétendent que les femmes trouvent leur
épanouissement dans la maternité et la sexualité, ce qui correspond
à ce qu'ils trouveraient satisfaisant, les pauvres, s'ils étaient des
femmes. Autrement dit, ce ne sont pas les femmes qui envient le
pénis, mais les hommes qui envient le vagin. Lorsque le mâle se
résout finalement à accepter sa passivité et se définit comme
femme (les hommes, aussi bien que les femmes, prennent chaque
sexe pour l'autre), bref lorsque le mâle devient un travesti, il perd
tout désir de baiser (ou de quoi que ce soit d'autre, d'ailleurs, son
rôle de vamp à pédé lui suffit), et il se fait couper la queue dans l'espoir
de ressentir on ne sait quelle vague jouissance permanente à
l'idée d'être femme. Baiser permet aux hommes de se protéger
contre leur désir d'être des femmes. La sexualité est en elle-même
une sublimation.
Sa recherche frénétique de compensations – parce qu'il n'est pas
une femme – combinée avec son incapacité fondamentale à communiquer
et à compatir, a permis à l'homme de faire du monde un
gigantesque tas de merde.
Bien qu'il ne soit qu'un corps, l'homme n'est même pas doué pour la
fonction d'étalon. À supposer qu'il possède une compétence pure-
ment technique – bien rare en vérité – on ne peut déceler aucune
sensualité, aucun humour dans sa façon de s'envoyer en l'air.
Quand ça lui arrive, il culpabilise, il est dévoré de honte, de peur et
d'angoisse (sentiments qui ont leurs racines profondément ancrées
dans la nature du mâle, et même l'éducation la plus éclairée ne
peut en venir tout à fait à bout). Ensuite, la jouissance qu'il en tire
est proche du néant. Et pour finir, obsédé qu'il est par son désir de
bien s'en sortir, de battre un record, de ramoner consciencieusement,
il se soucie peu d'être en harmonie avec sa partenaire. C'est
encore trop le flatter que de le comparer à un animal. Il n'est qu'une
mécanique, un godemiché ambulant. On prétend souvent que les
hommes utilisent les femmes. Les utilisent à quoi ? En tout cas, sûrement
pas au plaisir.
Rongé qu'il est de culpabilité, de honte, de peurs et d'angoisses, et
malgré la vague sensation décrochée au bout de ses efforts, son
idée fixe est toujours : baiser, baiser. Il n'hésitera ni à nager dans
un océan de merde ni à s'enfoncer dans des kilomètres de vomi, s'il
a le moindre espoir de trouver sur l'autre rive un con bien chaud. Il
baisera n'importe quelle vieille sorcière édentée, n'importe quelle
femme même s'il la méprise, et il ira jusqu'à payer pour ça. Et pourquoi
toute cette agitation ? Si c'était pour soulager une tension physique,
il lui suffirait de se masturber, et puis s'il va jusqu'à violer des
cadavres et des bébés, ce n'est sûrement pas pour combler son
ego. Alors pourquoi ? Complètement égocentrique, incapable de
communiquer et de s'identifier aux autres (voir plus haut), n'existant
que par une sexualité endémique et diffuse, le mâle est psychiquement
passif. Et parce que sa propre passivité lui fait horreur, il tente
de s'en débarrasser en la projetant sur les femmes. Il postule que
l'homme est Actif, et s'attache ensuite à démontrer qu'il est actif,
donc qu'il est un Homme. Et pour ce faire, il baise ! (Moi je suis un
Vrai Mec et j'ai une Grosse Queue et comment que je Tire mon
Coup). Mais comme ce qu'il cherche à démontrer est faux, il est
obligé de toujours recommencer. Alors baiser devient un besoin irrépressible,
une tentative désespérée de prouver qu'il n'est pas
passif, qu'il n'est pas une femme. Mais en fait il est passif, et son
désir profond est d'être une femme. Femelle incomplète, le mâle
passe sa vie à chercher ce qui lui manque, à tenter de devenir une
femme. Voilà pourquoi il est constamment à l'affût des femmes, voilà
pourquoi il fraternise ; il veut vivre à travers elles, se fondre en
elles. Voilà pourquoi il revendique tout ce qui caractérise en fait les
femmes, la force de caractère et l'indépendance affective, l'énergie,
le dynamisme, l'esprit d'initiative, l'aisance, l'objectivité, l'assurance
le courage, l'intégrité, la vitalité, l'intensité, la profondeur, le sens de
la rigolade, etc. Voilà pourquoi il projette sur les femmes tout ce qui
caractérise les hommes, la vanité, la frivolité, la banalité, la faiblesse,
etc. (Il faut cependant reconnaître qu'il existe un domaine
dans lequel les hommes sont largement supérieurs aux femmes :
celui des relations publiques. C'est de cette façon qu'ils réussissent
à faire croire à des millions de femmes qu'elles sont des hommes et
vice versa). Les hommes prétendent que les femmes trouvent leur
épanouissement dans la maternité et la sexualité, ce qui correspond
à ce qu'ils trouveraient satisfaisant, les pauvres, s'ils étaient des
femmes. Autrement dit, ce ne sont pas les femmes qui envient le
pénis, mais les hommes qui envient le vagin. Lorsque le mâle se
résout finalement à accepter sa passivité et se définit comme
femme (les hommes, aussi bien que les femmes, prennent chaque
sexe pour l'autre), bref lorsque le mâle devient un travesti, il perd
tout désir de baiser (ou de quoi que ce soit d'autre, d'ailleurs, son
rôle de vamp à pédé lui suffit), et il se fait couper la queue dans l'espoir
de ressentir on ne sait quelle vague jouissance permanente à
l'idée d'être femme. Baiser permet aux hommes de se protéger
contre leur désir d'être des femmes. La sexualité est en elle-même
une sublimation.
Sa recherche frénétique de compensations – parce qu'il n'est pas
une femme – combinée avec son incapacité fondamentale à communiquer
et à compatir, a permis à l'homme de faire du monde un
gigantesque tas de merde.
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