mercredi 13 mars 2013

Détournement d'images à des fins pédagogiques - 7

SCUM Manifesto - Valérie Solanas - sixième partie



L'ISOLEMENT, LES PAVILLONS DE BANLIEUE ET L'IMPOSSIBILITÉ
DE LA VIE COMMUNAUTAIRE

Notre société n'est pas une communauté, c'est un entassement de
cellules familiales. Miné par son sentiment d'insécurité, l'homme est
persuadé que sa femme va le quitter si elle s'expose aux autres
hommes et à tout ce qui peut présenter une lointaine ressemblance
avec la vie. Aussi cherche-t-il à l'isoler de ses rivaux et de cette faible
agitation qu'on nomme civilisation, en l'emmenant en banlieue
pour la caser dans une rangée de pavillons où s'enferment dans
une contemplation mutuelle des couples et leurs enfants.
En devenant un « farouche individualiste », un grand solitaire, il
croit pouvoir prétendre à l'individualité, qu'il confond avec la claustration
et le manque de coopération.



Il y a encore une autre explication à cet isolement : chaque homme
est une île. Enfermé en lui-même, sans aucun contact, sans émotion,
incapable de communiquer, l'homme a horreur de la civilisation,
des gens, des villes, de toute situation qui demande de comprendre
les autres et d'entrer en relations avec eux. Papa détale
comme un lièvre apeuré et traîne son cul à la recherche des
contrées sauvages : les banlieues. Ou s'il est un « hippie », il part –
alors là, qu'est-ce qu'il est parti, les gars ! – pour le pré à vaches où
il peut baiser et procréer à son aise en s'ébattant au milieu de ses
flûtes et de sa verroterie.



Le hippie, dont le désir d'être un « Homme » et un « farouche individualiste»
est moins forcené que chez la plupart des hommes –
parce qu'il se défend moins contre sa passivité ; qui, par ailleurs,
est follement excité à l'idée d'avoir tout un tas de femmes à sa disposition,
se révolte contre le rôle éreintant de Gagne-pain et la monotonie
de la monogamie. Au nom de la coopération et du partage,
il forme une communauté ou tribu qui, en dépit de tous ses principes
de solidarité et en partie à cause d'eux (ladite communauté, qui
est une extension de la famille, ne fait donc que bafouer un peu
plus les droits des femmes, violer leur intimité et détériorer leur santé
mentale), ne ressemble pas plus à une communauté que le reste
de la société.



Une véritable communauté se compose d'individus – pas de simples
échantillons de l'espèce, pas de couples – qui se respectent
les uns les autres dans leur individualité et leur intimité, établissent
entre eux des contacts intellectuels et affectifs – en esprits libres
ayant des relations libres – et coopèrent à l'achèvement de buts
communs. Pour les traditionalistes, l'unité de base de la société est
la famille ; pour les « hippies », c'est la tribu. Pour aucun d'eux, ce
n'est l'individu.



Le hippie babille beaucoup sur l'individu, mais comme les autres
hommes, il n'a aucune idée de ce que c'est. Il voudrait retourner à
la Nature, à la vie sauvage, retrouver l'antre des animaux à fourrure
dont il fait partie, loin de la ville, où au moins on repère quelques
traces, un vague début de civilisation, pour vivre au niveau primaire
de l'espèce et s'occuper à de simples travaux, non intellectuels :
élever des cochons, baiser, enfiler des perles.



L'activité la plus importante de la vie communautaire, celle sur laquelle
elle se fonde, c'est le baisage à la chaîne. Ce qui allèche le
plus le hippie, dans l'idée de vivre en communauté, c'est tout le con
qu'il va y trouver. Du con en libre circulation : le bien collectif par
excellence ; il suffit de demander. Mais, aveuglé par le désir, il ne
pense pas à tous les hommes avec lesquels il devra partager, ni à
la jalousie et à la possessivité des mignons cons eux-mêmes.



Les hommes ne peuvent pas coopérer à la réalisation d'un but commun,
car le seul but de chaque homme est d'avoir tout le con pour
lui. La communauté est donc vouée à l'échec : chaque hippie, pris
de panique, va empoigner la première jobarde qui en pince pour lui
et filer avec elle dans un pavillon de banlieue. L'homme ne peut
progresser socialement, il ne peut qu'aller et venir entre l'isolement
et la partie de cul associée.



LE CONFORMISME

Tout en désirant être un individu, l'homme a peur de ce qui pourrait
le différencier un tant soit peu des autres. Il craint de n'être pas vraiment
un « Homme », d'être passif et déterminé par la sexualité,
tous soupçons qui le bouleversent. Si les autres hommes sont « A »
et qu'il ne l'est pas, alors il ne doit pas être un homme. Il doit être
une pédale, selon ses termes. Alors il essaye d'affirmer sa Virilité
en ressemblant aux autres hommes. Mais toute différence constatée
chez les autres le menace aussi bien : ce sont eux les « pédales»
qu'il doit éviter à tout prix et il fait tout pour les obliger à rentrer
dans le rang.



L'homme ose se montrer différent dans la mesure où il accepte sa
passivité et son désir d'être une femme, sa réalité de pédale.
L'homme le plus conséquent avec lui-même est le travesti mais là
encore, bien qu'il soit différent des autres hommes, il ressemble
exactement à tous les autres travestis. Fonctionnaliste, il ne cherche
que l'identité formelle : être une femme. Il se débarrasse de ses
problèmes en leur collant des étiquettes, mais toujours pas trace
d'individualité. N'arrivant pas à se convaincre tout à fait qu'il est une
femme, angoissé à l'idée de n'être pas assez femelle, il se
conforme désespérément au stéréotype féminin inventé par les
hommes, et devient une marionnette bourrée de tics.



Pour s'assurer qu'il est un « Homme », le mâle doit veiller à ce que
la femelle se comporte bien en « Femme », le contraire de l'homme
viril, autrement dit qu'elle se comporte en grande-folle. Et la Fille à
son Papa, dont on a massacré tous les instincts de femme dés l'enfance,
s'adapte au rôle avec aisance et obligeance.



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