mercredi 13 mars 2013

Détournement d'images à des fins pédagogiques - 5

SCUM Manifesto - Valérie Solanas - Quatrième partie

LA PATERNITÉ ET LA MALADIE MENTALE (peur, lâcheté, timidité,
humilité, insécurité, passivité)



Maman veut le bien de ses enfants, Papa ne veut que le bien de
Papa, il veut qu'on lui fiche la paix, il veut que ses lubies de « dignité
» soient respectées, il veut présenter bien (le statut) et il veut
contrôler et manipuler à volonté ce qui s'appellera « guider » s'il est
un père « moderne ». Ce qu'il veut aussi, c'est s'approprier sa fille
sexuellement. Il donne la main de sa fille en mariage, le reste est
pour lui.



Papa, au contraire de Maman, ne cède jamais à ses enfants car il
doit à tout prix préserver l'image de l'homme décidé, fort, énergique,
qui a toujours raison.



À force de ne jamais agir à sa façon, on se sent dépassé par ce
monde et on accepte passivement le statu quo. Maman aime ses
enfants. Elle se met quelquefois en colère, mais la crise passe vite
et n'exclut jamais ni l'amour ni l'acceptation profonde. Papa, lui, est
un débile affectif et il n'aime pas ses enfants ; il les approuve – s'ils
sont « sages », gentils, « respectueux », obéissants, soumis, silencieux
et non sujets à des sautes d'humeur qui pourraient bouleverser
le système nerveux mâle et fragile de Papa – en d'autres termes,
s'ils vivent à l'état végétal. S'ils ne sont pas « sages », Père ne
se fâche pas – quand il est un père moderne et « civilisé » (la brute
moralisatrice et gesticulante d'autrefois est bien préférable car suffisamment
ridicule pour se déconsidérer d'elle-même) – non, il se
contente de désapprouver, attitude qui, contrairement à la colère,
persiste, et exprime un rejet fondamental : le résultat pour l'enfant,
qui se sent dévalorisé et recherchera toute sa vie l'approbation des
autres, c'est la peur de penser par lui-même, puisqu'une telle faculté
conduit à des opinions et des modes de vie non conventionnels
qui seront désapprouvés.



Si l'enfant veut gagner l'approbation paternelle, il doit respecter Papa,
et Papa qui n'est qu'un tas de pourriture n'a pas d'autre moyen
d'imposer le respect que de rester à bonne distance, suivant le précepte
que « la familiarité engendre le mépris », ce qui est naturellement
vrai lorsqu'on est méprisable. En se montrant distant, le Père
reste inconnu, mystérieux, il inspire donc la peur (le « respect »).
Comme il réprouve les « scènes », les enfants en viennent à craindre
toute émotion, à avoir peur de leur propre colère et de leur
haine, finalement à redouter d'affronter la réalité puisque la réalité
ne peut déclencher que colère et haine. Cette peur, alliée à un sentiment
d'incapacité à changer ce monde qui vous dépasse, voire à
influer un tant soit peu sur son destin, aboutit au sentiment facile
que tout va très bien, que la moindre banalité vous comble et qu'on
se fend la pêche pour un rien.



L'effet de la paternité sur les garçons, notamment, est d'en faire des
«Hommes», c'est-à-dire de développer en eux un système de défenses
farouches contre leur tendances à la passivité, à l'hystérie «
grande-folle », et contre leur désir d'être des femmes. Tous les garçons
veulent imiter leur mère, être elle, fusionner avec elle, mais
Papa interdit de telles choses. C'est lui la mère. Lui, fusionne avec
elle. Alors, plus ou moins directement il dit au petit garçon de ne
pas faire la « mauviette » et de se conduire en « homme ». Le petit
garçon qui chie dans son froc devant son père, autrement dit le «
respecte », se soumet et devient un vrai petit Papa, ce modèle de
Virilité, ce rêve américain : le lourd crétin qu'est l'hétérosexuel bon
teint.



L'effet de la paternité sur les femmes est d'en faire des hommes –
dépendantes, passives, domestiquées, animalastiquées, gentilles,
inquiètes, avides de sécurité et d'approbation, trouillardes, humbles,
« respectueuses » des autorités et des hommes, fermées, sans réaction,
à demi mortes, futiles, ennuyeuses, conventionnelles, insipides
et profondément méprisables. La Fille à son Papa, toujours
contractée et apeurée, mal à l'aise, dénuée d'esprit analytique et
d'objectivité, situe Papa, et par suite tous les hommes, dans un
contexte de peur nommée « respect ». Elle ne voit pas que la lointaine
silhouette paternelle n'est qu'un trompe-l'œil, elle accepte la
définition de l'homme comme être supérieur en tant que femme, et
accepte d'être considérée inférieure en tant que mâle, ce que, merci
Papa, elle est effectivement.



C'est l'épanouissement de la Paternité, dû au développement et à la
meilleure répartition des richesses (dont la Paternité a besoin pour
prospérer), qui est la cause de l'ascension de la bêtise et du déclin
des femmes aux États-Unis depuis les années vingt : voyez la montée
de l'allaitement, de l'accouchement naturel, et de la pratique religieuse.



L'association étroite entre richesse et Paternité a valu aux
filles les plus mal choisies, c'est-à-dire les « petites bourgeoises »
soi-disant privilégiées, d'avoir droit à l'« instruction ».
En résumé, le rôle du père a été d'apporter au monde la gangrène
de l'esprit mâle. Les hommes sont des Midas d'un genre spécial :
tout ce qu'ils touchent se change en merde.





1 commentaire:

  1. Je suis un homme et malheureusement, je trouve que tu as raisons quasiment sur tout, en ce qui concerne cette société patriarcale qui nous bouffe que nous soyons hommes ou femmes.

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